Que d’articles de presse depuis que Kartier nord a tiré de son sommeil la villa Kayser et proposé à la ville d’en faire un espace ouvert au public, un lieu articulé au contexte européen et disposant d’un espace café convivial où Strasbourg, l’Europe et la Robertsau puissent, enfin, se rencontrer.

Le maire de Strasbourg, Roland Ries, tout en prenant acte du projet, a retenu le site pour en faire une future « maison de l’Europe ». Plus justement un « lieu d’Europe », celui que tous appelaient de leurs vœux et qui cherchait depuis des années emplacement et contenu.
A présent le Kaysersguet fait l’objet de toutes les sollicitudes, de l’attention de providentiels défenseurs, de tous les états d’âme… « Trop grand », « Trop petit », « Oui, mais pas ici », les avis se bousculent au portillon des bonnes intentions…
Certains proposent l’ancienne patinoire pour site. D’une superficie au sol de 5000 m2, celle-ci équivaut aux surfaces d’exposition du centre Georges Pompidou à Metz. Pour y montrer quoi? Et cela aux grands frais des strasbourgeois?
D’autres, se référant à des logiques événementielles, prennent pour modèle «Strasbourg capitale de Noël». Mettre le principe d’un lieu d’Europe à hauteur du grand bazar du Christkindelsmärick, est-ce vraiment la meilleure façon de donner forme d’universalisme à l’idée européenne?
D’autres encore, pensant sans doute que l’espace de la presqu’île André Malraux est insuffisant ou inadapté pour accueillir quelques résidences d’écrivains, proposent que le Kaysersguet fasse office d’annexe exclusivement littéraire… Tout en même temps, ils émettent des réserves sur l’option culturelle «artistique»…
Renvoyons les aux options prises par Metz, Lille ou Nantes (en ne regardant que du seul côté français) ; villes ayant bien compris le rôle de la culture et de la création artistique dans l’humanisme et le développement économique de la cité.
Autant le dire clairement : certaines de ces pistes ne recueillent pas notre approbation. Des stratégies marketing pointent le bout de leur nez. L’Europe comme produit d’appel situé dans un Kaysersguet «muséographié», les autocars en rang d’oignons, des parkings à créer alors même que le tramway dessert directement les lieux, un «geste architectural» faisant fi du patrimoine et de l’environnement existant : ces pistes sont aux antipodes de notre approche de la question.

L’idéal européen que l’on convoque sans cesse a-t-il vraiment quelque chose à gagner à une telle emphase ? N’est-ce pas le meilleur moyen pour éloigner toujours plus les institutions du citoyen? A force de glorifier le regard dans le rétroviseur, n’oublie-t-on pas de regarder la route devant soi ?

Loin de toutes ces considérations principalement mercantiles, considérations qui semblent prendre le pas sur le sens d’un «lieu d’Europe à Strasbourg et à la Robertsau», Kartier Nord veut continuer à construire, à avancer orientation et contenu concret d’un projet, dans l’idée bien comprise que l’emportent les meilleures propositions pour le Kaysersguet.
En effet, il n’est peut-être pas inutile de rappeler ici que les Robertsauviens ont été nombreux à soutenir notre action pour que le domaine reste propriété de la ville, pour que le parc soit ouvert au public et pour que la richesse spécifique de son entour soit prise en compte.
Suite à nos humbles et perfectibles résolutions, la petite verrière adossée aux grilles d’enceinte sera d’ailleurs prochainement équipée afin qu’elle puisse, même modestement, accueillir dès la rentrée prochaine des expositions d’artistes.
Gageons que ces manifestations apporteront aux publics, aux habitants du quartier, l’éclaircie d’un début d’aperçu. Le bénéfice d’une action de qualité en partenariat avec des acteurs culturels de la citée et au-delà de ses frontières, plutôt que de pesantes déclarations d’intentions, certes d’allure ambitieuse, mais aux contours si généralistes qu’elles demeurent sans objet conceptuel, ni ancrages factuels.
Kartier Nord, en tout cas, veut encore croire en un processus de construction avec les habitants d’un projet pertinent et sera force de proposition pour que ce lieu emblématique de la Robertsau retrouve en son contexte européen un nouveau souffle, et l’occasion d’un débat «sur pièces».

Texte paru dans l'écho de la Robertsau • juin 2010

Kaysersguet : débat ou début ?

Partager cet article